Voici la pastille de lecture pour Kate Wilhelm ! Comme pour le portrait, c’est une première. On fera de notre mieux pour améliorer au fur et à mesure, mais il faut bien commencer quelque part ? ^^
Je souhaite une nouvelle fois une bonne écoute !
Texte : Hier, les oiseaux, Kate Wilhelm, 1977
Lecture : DoctriZ
Montage : Le Technicien
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Transcription
Comme je le disais dans le teaser, ce balado n’est pas seulement un portrait, mais aussi un pastille de découverte. Alors, allons jeter un oeil à ce que Kate Wilhelm écrivait concrètement. Mais avant ça, une petite digression — la dernière :
Pour trouver les textes de Kate Wilhelm aujourd’hui, plusieurs stratégies :
Pour les traductions en français :
– Le Passager clandestin a publié Demain le silence, dans la collection “Dyschroniques”, et il existe quelques librairies qui ont encore en stock la réédition de Hier les oiseaux au Livre de Poche de 2018
– Sinon sur le réseau de l’occasion, en ligne ou chez les bouquinistes proches de chez vous,
– Si vous lisez en numérique, vous trouverez en ligne les epub de certaines éditions plus ou moins récentes,
– Evitez la FNAC et Amazon :)
– Pour les textes en anglais, tout se trouve en ligne que ce soit en papier ou en numérique. Vous pouvez passer par des sites spécialisés ou bien simplement par le site de votre librairie préférée. Evitez la FNAC et Amazon :) Je vous conseille toutefois de vous tourner vers le site porté par la famille de Kate Wilhelm, infiniteboxpress.com. L’expérience de l’autrice dans le milieu de l’édition étasunien l’a assez écoeurée. Les éditeurs établissent des contrats qui sont hautement en défaveur des auteurices mais difficilement négociables. Aussi Wilhelm a-t-elle décidé de prendre en charge la diffusion de son travail et a monté un site marchand de publication à la demande, aujourd’hui administré par un de ses fils.
Et enfin, je le disais au début, Kate wilhelm est aussi une autrice reconnue pour ses fictions policières, notamment ses 2 séries : Barbara Holloway mysteries et Constance Leidl and Charlie Meiklejohn mysteries, qu’elle a menées jusqu’à peu avant son décès. Vous trouverez très facilement ses romans là, même s’ils n’ont pas été traduits en français.
Je vous parle, je vous parle, mais alors, et cette lecture ?
Pour ce premier épisode, je vous propose un extrait de Where Late the Sweet Birds Sang. Il s’agit de la traduction de Sylvie Audoly, faite pour Présence du futur en 1977 et reprise par le Livre de poche en 2018.
J’ai pioché un passage qui n’est pas l’incipit, mais qui reste au début du roman. On retrouve David Sumner, un jeune homme issu d’une famille de fermiers, et qui vient tout juste de rentrer à Harvard pour faire des études en biologie.
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Extrait :**
David passa le Nouvel An à la ferme des Sumner avec ses parents et une horde de tantes, d’oncles et de cousins. Le jour du 1er janvier, grand-père Sumner annonça une grande nouvelle.
— Nous allons construire un hôpital à Bear Creek, de ce côté-ci de la minoterie.
David cligna des yeux. C’était à un peu plus d’un kilomètre de la ferme, à des kilomètres de tout.
— Un hôpital ?
Il se tourna vers son oncle Walt, qui opina de la tête.
Clarence regardait fixement son cocktail d’un air sombre, et le père de David, le troisième frère, suivait du regard les volutes de fumée qui s’échappaient de sa pipe. David se rendit compte qu’ils étaient tous au courant.
— Pourquoi là-haut ? demanda-t-il enfin.
— Ce sera un hôpital de recherche, répondit Walt. Sur les maladies génétiques, les défauts héréditaires, et tout ce genre de choses. Deux cents lits.
David secoua la tête, ne pouvant y croire.
— Vous rendez-vous compte de ce qu’un truc pareil va coûter ? Qui va le financer ?
Son grand-père éclata de rire d’un ton agressif.
— Le sénateur Burke s’est aimablement débrouillé pour obtenir des fonds fédéraux », dit-il. Sa voix prit un ton plus mordant. « Et j’ai persuadé plusieurs membres de la famille de mettre un peu d’argent dans la cagnotte. »
David jeta un coup d’œil à Clarence, qui avait l’air peiné.
— Moi, je donne la terre, continua grand-père Sumner. On va ainsi obtenir de l’aide à droite et à gauche.
— Mais pourquoi Burke s’en occupe-t-il ? Tu n’as jamais voté pour lui, dans aucune de ses campagnes.
— Je lui ai dit qu’on consacrait une grande partie de notre fortune à soutenir l’opposition, et que s’il voulait bien assouplir ses positions, on pourrait le soutenir, car nous sommes très nombreux, David, aujourd’hui. Une très grande famille.
— Ça alors, chapeau ! s’exclama David, qui n’arrivait pas encore à y croire. Tu renonces à ton cabinet pour la recherche ? demanda-t-il à Walt. Son oncle acquiesça. David finit de boire son cocktail.
— David, lui dit Walt tranquillement, on voudrait t’embaucher.
Il leva aussitôt les yeux.
— Pourquoi ? Je ne suis pas dans la recherche médicale.
— Je connais ta spécialité, reprit Walt toujours calmement. On a besoin de toi comme conseiller, et plus tard comme responsable du département de la recherche.
— Mais je n’ai même pas encore fini ma thèse, dit David, qui eut l’impression d’être tombé dans un traquenard.
— Tu feras encore un an de travail de routine pour Selnick, et le cas échéant tu rédigeras ta thèse, un peu ici, un peu là. Tu pourrais l’écrire en un mois, n’est-ce pas, si tu en avais le temps ?
David acquiesça à regret.
— Je sais, lui dit Walt avec un léger sourire. Tu as l’impression qu’on te demande de renoncer à la carrière de toute une vie pour un rêve fumeux. » Mais quand il ajouta : « Nous sommes convaincu, David, que nous n’en avons plus que pour deux à quatre ans maximum à vivre », il ne souriait plus du tout.
2 .
David regarda successivement son oncle, son père, tous ses oncles et cousins qui se trouvaient dans la pièce, et finalement son grand-père. Il hocha la tête d’un air désespéré :
— C’est de la folie. Que voulez-vous dire ?
Grand-père Sumner soupira bruyamment. C’était un homme de grande taille, à la poitrine massive et aux biceps saillants. Il avait les mains si larges que chacune d’elles pouvait tenir un ballon de basket. Il avait l’allure d’un géant, et malgré les nombreuses années qu’il avait consacrées à exploiter sa ferme, puis à surveiller ceux qui l’exploitaient pour lui, il avait trouvé le temps de lire plus que personne. On ne pouvait évoquer aucun livre (à l’exception des best-sellers actuels) qu’il n’ait lu, ou dont il n’ait entendu parler. Et il se souvenait de ce qu’il lisait. Sa bibliothèque était plus complète que bien des bibliothèques municipales.
Il se pencha en avant et dit alors :
— Écoute-moi, David. Écoute-moi bien. Je t’explique ce que ce foutu gouvernement n’ose toujours pas admettre. Nous sommes sur la première pente de cet éboulement qui va précipiter notre économie, et celle de toutes les nations de la terre, dans des abîmes inimaginables.
« J’en ai reconnu les signes, David. La pollution nous gagne plus vite qu’on ne le croit. Il n’y a jamais eu autant de radiations atomiques dans l’atmosphère depuis Hiroshima, regarde les essais nucléaires français, chinois. Les retombées. Dieu sait d’où tout cela peut venir. Nous avons atteint le taux de croissance de population zéro il y a environ deux ans, mais c’était le but recherché, David, tandis que les autres nations, elles, sont en train d’y venir sans l’avoir voulu. La famine sévit actuellement dans un quart du globe. Il ne s’agit pas là d’une prévision pour dans dix ans, ni même six mois. La famine est ici, et depuis déjà trois ou quatre ans, et la situation empire. Il n’y a jamais eu autant de maladies depuis que le bon Dieu a inventé les plaies d’Égypte. Et ce sont des fléaux dont nous ignorons tout.
« Les sécheresses et les inondations sont plus nombreuses qu’autrefois. L’Angleterre est en train de devenir un désert, les marécages et les landes s’assèchent. Des espèces entières de poissons ont disparu, ont complètement foutu le camp, en l’espace d’un an ou deux seulement. Les anchois ont disparu. L’industrie de la morue a disparu. Les morues que l’on pêche sont malades, impropres à la consommation. On ne pêche plus sur la côte ouest du continent américain.
« La moindre récolte sur terre est atteinte de la nielle, et cela s’aggrave de jour en jour. Le maïs nielle. Le blé rouille. La graine de soja nielle. Nous réduisons maintenant nos exportations en biens alimentaires, et l’année prochaine nous allons toutes les supprimer. Nous connaissons des pénuries que nous n’aurions jamais pu imaginer. D’étain, de cuivre, d’aluminium, de papier, de chlore, même ! Que se passera-t-il, à ton avis, quand le monde ne pourra soudain même plus purifier l’eau potable ? »
Au fur et à mesure qu’il parlait, son visage s’était assombri, il se fâchait de plus en plus, accablant David de questions auxquelles il ne pouvait répondre, et David le regardait avec stupeur sans pouvoir prononcer un mot.
— Et pour tout cela, on ne sait pas quoi faire, continua son grand-père. Pas plus que les dinosaures n’ont su empêcher leur propre extinction. Nous avons changé les réactions photochimiques de notre propre atmosphère, et nous ne sommes pas capables de nous adapter assez vite aux nouvelles radiations pour survivre ! Certains ont clamé qu’il s’agissait d’une préoccupation essentielle, mais qui les a écoutés ? Ces foutus imbéciles vont déposer chaque catastrophe au pied de l’autel des problèmes locaux et refusent de les considérer sur un plan mondial, jusqu’au jour où il sera trop tard pour faire quoi que ce soit.
— Mais si tout cela est vrai, quelle est la solution ? demanda David, en cherchant un regard un soutien du côté du docteur Walt, sans en trouver aucun.
— Il faut fermer les usines, laisser les avions au sol, cesser l’exploitation minière, se débarrasser des voitures. Mais ils ne le feront pas, et même s’ils le faisaient, ce serait encore la catastrophe. Ça finira par sauter. D’ici deux ans, David tout va se briser.
Il but alors son cocktail et reposa brusquement le verre de cristal. À ce bruit, David sursauta.
— Ce sera le plus grand désastre qu’ait connu l’homme depuis qu’il a commencé à graver des inscriptions sur la pierre, je peux vous le dire ! Et on va s’y préparer ! Moi, je m’y prépare ! Nous avons la terre, et nous avons les hommes pour la cultiver, nous aurons notre hôpital et nous rechercherons les moyens de conserver en vie nos animaux et nos hommes, et quand le monde s’effondrera nous serons vivants et quand il mourra de faim nous aurons de quoi manger.
Soudain, il s’arrêta pour observer David en plissant des yeux.
— Je pense que tu partiras d’ici avec la ferme conviction que nous sommes tous devenus fous. Mais tu reviendras, David, mon garçon. Tu seras de retour avant que les cornouillers fleurissent, car tu auras reconnu les prémices.
David retourna en faculté, à sa thèse et au travail fastidieux que Selnick lui donnait à faire. [...] En février, en représailles de l’embargo sur les denrées alimentaires qu’ils leur avaient imposé, le Japon vota des restrictions commerciales qui rendirent tout échange avec les États-Unis impossible. Le Japon et la Chine signèrent un traité d’assistance mutuelle. Au mois de mars, le Japon s’empara des Philippines, et par là même de leurs rizières, et la Chine reprit son rôle de curateur, depuis longtemps en sommeil, vis-à-vis de la péninsule indochinoise, et plus particulièrement des rizières du Cambodge et du Vietnam.
Le choléra frappa Rome, Los Angeles, Galveston et Savannah. L’Arabie Saoudite, le Koweit, la Jordanie et les autres nations du bloc arabe lancèrent un ultimatum : les États-Unis doivent garantir au bloc arabe une ration annuelle de blé, et cesser toute aide à l’État d’Israël, faute de quoi les États-Unis et l’Europe ne recevront plus de pétrole. Ils refusèrent de croire que les États-Unis ne pouvaient faire face à leurs exigences. On imposa immédiatement des restrictions sur le plan des voyages internationaux, et le gouvernement américain, par un décret présidentiel, créa un nouveau ministère, avec statut de ministère d’État : le Bureau des informations.
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C’était un extrait de Hier, les oiseaux, de Kate Wilhelm, paru 1976 aux USA, traduit en france par Sylvie Audoly en 1977 et encore trouvable en papier pour celleux qui voudraient avoir la suite !